Dans notre société où l’échange marchand est devenu dominant, la pratique du don n’a pas tout à fait disparu. Il s’agit souvent de gestes d’aide ou de charité, mais aussi – nous le savons depuis l’Essai sur le don de Marcel Mauss – de prestations cérémonielles qui visent à la reconnaissance réciproque publique par l’intermédiaire des biens offerts. La logique du don se déploie alors en trois temps : donner, recevoir, rendre.
Pour ce qui nous concerne, pourquoi donne-t-on ?
Les associations d’amis de musées ont d’abord constitué des groupes, relativement fermés, de gens aisés et cultivés constitués en mécènes des musées. Mais après la Seconde Guerre mondiale, un renouvellement s’est opéré, qui a vu l’apparition de nouveaux membres ; le sociologue dirait : moins de riches bourgeois et plus de classes moyennes instruites. Le contexte était celui de la réappropriation du patrimoine et la prise de conscience de la dimension politique de la culture (ce fut aussi bien Malraux que Jean Vilar…).
Mais aussi, avec la société de consommation et l’extension des temps de loisirs, la culture devenait un élément de l’économie. La dimension de lien social autour du partage du plaisir esthétique prenait de l’importance par rapport au mécénat. Un musée ne vit pas seulement de la conservation des œuvres, il doit enrichir ses collections. Si l’Etat et les collectivités territoriales sont sollicités, la participation de mécènes privés est aussi nécessaire. Les motivations de ces derniers sont multiples, qui vont des réductions fiscales à la recherche d’un prestige public et au souci de contribuer à la constitution d’un patrimoine collectif. C’est essentiellement ce dernier but que visent les Amis du musée.
Si chacun d’entre nous ne peut être un mécène, du moins le pouvons-nous collectivement. Ainsi, depuis 26 ans, avons-nous pu faire entrer au musée Fabre, à la mesure de nos moyens, 36 œuvres ou objets.
Le musée est-il tenu de recevoir nos dons ?
Il y a toujours quelque mépris, sinon injure, à refuser un don. Mais on sait qu’il y a des dons empoisonnés ! Nous avons toujours tenu à ce que les œuvres offertes aient l’agrément des conservateurs quand elles ne sont pas directement sollicitées par eux. L’Association n’a pas de ligne artistique et nous respectons la politique muséale de la conservation. Nous souhaitons seulement que les œuvres soient fréquemment visibles.
Que pouvons-nous attendre en retour ?
Le contre don prend ici la forme de services : gratuités d’entrées, prêt de l’auditorium, pré-visites d’expositions, mais, surtout, il permet une reconnaissance publique de notre activité en faveur du musée et de la vie culturelle de la métropole. L’art est une des plus fortes expressions de la liberté humaine, aussi bien pour le créateur que pour le “ regardeur ”. Si la possession d’une œuvre n’est pas toujours possible pour tous, le musée comme espace public permet l’appropriation collective. Les Amis du musée Fabre sont heureux de pouvoir contribuer à cet objectif.
Édouard Aujaleu Président des AMF