Dans un décor réduit à sa plus simple expression – mur brun, petit meuble sur lequel est posé un panier à couture dans les mêmes tons – une jeune femme assise coud, absorbée par son travail. Un discret rai de lumière éclaircit le mur et met en valeur la couturière. Il s’attarde sur ses vêtements (veste blanche et robe beige clair) et le tissu qu’elle ravaude. Seule fantaisie, le ruban bleu qui ceint sa coiffe. Le monde des humbles est le sujet d’autres peintres du XVIIIe siècle, comme Chardin. Mais celui-ci inscrit ses personnages dans un décor (cuisine, arrière cour) qui fait la part belle à de nombreux objets. Ici, rien de tel. Le seul but est de porter un regard plein de respect et de tendresse sur le labeur féminin quotidien, et ce regard est celui d’une femme.Françoise Duparc, née en 1726, est issue d’une famille de sculpteurs marseillais renommés. Son père, Antoine, dont l’art s’exerce en Espagne, en Provence et jusqu’en Normandie, s’est installé à Murcie, sans doute pour échapper à la terrible épidémie de peste qui sévit à Marseille en 1720. Revenu dans sa ville natale en 1730, il fait profiter tous ses enfants de cet environnement artistique : ses deux fils exerçant le même art que lui, ses deux filles initiées par leur père au dessin. Françoise continue sa formation à Aix-en-Provence auprès de Jean-Baptiste Van Loo de 1742 à 1745. Puis elle prend son envol.Quelques écrits permettent de suivre sa carrière à Paris ou à Londres. Il semble que sa renommée en Angleterre entre 1763 et 1766 lui permette d’exposer à la Free Society et à la Society of Artists, associations souhaitant mettre en valeur des artistes contemporains, à l’imitation du Salon parisien. Revenue à Marseille, elle est reçue à l’Académie de peinture et de sculpture de la ville, fondée en 1753. L’inventaire après décès signale quarante et un tableaux dont la majorité n’a pas été retrouvée. Les seules certitudes portent sur quatre œuvres quelle lègue à sa mort à la ville de Marseille, exposées au musée des beaux-arts de la ville (Jeune femme à l’ouvrage, La Marchande de tisane, La Vieille, L’Homme à la besace) et sur Tête de jeune fille du musée Rigaud de Perpignan. Il est probable que sa carrière internationale l’a amenée à peindre le portrait de personnages de la haute société. Mais comment retrouver la trace d’œuvres qui restent souvent dans l’intimité d’une famille et que l’artiste n’a pas signées ? N’oublions pas non plus qu’il est plus difficile d’atteindre à la célébrité et de rayonner à travers les siècles lorsque l’on est cantonnée, ce qui est le cas de la plupart des femmes peintres, aux portraits et bouquets de fleurs.
Monique Morestin